à jour 1908 - 2005

L’histoire qu’on vous raconte ici n’est pas une histoire parfaite, sans échecs et sans erreurs. La réalisation du projet nous a confrontés à d'innombrables problèmes techniques et opérationnels, connus, inconnus et inattendus. Ce qui est habituel dans tout projet pionnier. Mais la générosité et le dévouement de chaque participant nous ont permis de revenir sur nos erreurs et d'avancer pas à pas, sans s’égarer et sans renoncer aux postulats de notre projet : vraisemblance, sécurité, beauté.

Motosacoche, le socle industriel

Le succès ou l’échec des pionniers de l'aviation dépendait de leur inspiration et de leur ténacité, mais aussi de leur connaissance du milieu industriel. Blériot fabriquait des phares à acétylène pour l’industrie automobile, les frères Wright des bicyclettes, Maxim des mitrailleuses, Curtiss des motocyclettes, Cornu des vélomoteurs et tricycles à vapeur, Breguet des électromoteurs pour sous-marins, Esnault-Pelterie, toute comme les frères Seguin inventeurs du moteur Gnome, venaient de l’industrie textile, Chanute des chemins de fer... Pour les avions des frères Dufaux, le socle industriel a été la clé de leur développement. La première aventure industrielle des frères Armand et Henri Dufaux a commencé à Genève avec l’usine de motocyclettes Motosacoche, créée avec la contribution financière de Perrot Duval & Cie (actuellement Perrot Duval Holding).

De la dynamique sociale à la cinématique

L’histoire aéronautique des frères Dufaux est trop riche pour la décrire exhaustivement dans cette page.
Mais toute histoire commence quelque part, et l’histoire du Dufaux N°4 et l’histoire de hepta.aero avec le « fauxdufaux » commencent ici, avec une première machine volante produite par les frères Dufaux : un modèle réduit d’hélicoptère. On appelle ce modèle, a posteriori, DufauX N°1. Dans la dynamique sociale de l'essor des machines thermiques, les frères Dufaux écrivent leur page dans l’histoire du développement de véhicules roulants et aériens, c’est-à-dire dans la maîtrise de la cinématique.

...perseverare diabolicum

L’expérience acquise avec leur hélicoptère offre aux frères Dufaux une nette vision du domaine du vol : pour emporter un humain, il fallait beaucoup plus de puissance installée. Ils développent un moteur en ligne de 12 cylindres et l’installent dans un avion « double triplan », avec une hélice tractrice et des hélices latérales basculantes. L’engin ne décolla jamais (errare humanum est...), et sera détruit en cours d'essai. Voilà l’histoire du Dufaux N°2.

néanmoins...

Les frères Dufaux ont compris la loi de l’air : si on ne maîtrise pas toute la filière (propulsion, structure, aérodynamique), l’échec est assuré. Et les frères Dufaux ne maîtrisent presque rien. Ils construisent alors un nouvel engin volant de configuration moins exotique. Le moteur sera celui de Blériot sur la Manche (Anzani 3 cylindres de 25 hp), les ailes et le système de commandes s’inspirent d’Avro (GB) et les ailerons entre les ailes de Curtiss (USA). Détruit lors des premiers essais et reconstruit aussitôt, ce Dufaux N°3 porte déjà l'ADN du Dufaux N°4... mais il ne vole pas encore.

voler c’est contrôler...

Image rarissime de l’avion qu’on appelle Dufaux N°3.5, transition entre le N°3 et le N°4. Les crashs du N°3 mettent en évidence les problèmes systémiques de commande et contrôle des designs des frère Dufaux. Problèmes que le Dufaux N°4 va encore hériter… Toujours sous-motorisé avec le moteur Anzani, la traînée marginale des ailes pénalise la vitesse. Afin de réduire la traînée des ailes, le N°3.5 a une aile jointe rectangulaire (panneaux au bout des ailes), catastrophique pour le contrôle en tangage. Le système de commandes est encore revu, avec deux roues latérales, inspiré du Lavavasseur-Antoinette (celui de Latham sur la Manche). On y est presque…

« Beaucoup c’est bien, trop c’est juste suffisant »

La citation est un cliché aéronautique, qui se réfère à la puissance installée dans une machine volante. Les frères Dufaux sont dans une impasse aéronautique. L’Anzani de 25 hp (tout juste pour le Blériot au niveau de la mer) ne suffit pas à tirer leurs avions, trop massifs. Comme en 1906 avec Motosacoche, voilà que Perrot Duval & Cie vient à la rescousse avec le Prix Perrot Duval. Le N°3.5 est modifié lourdement (haut sur pattes, plus grand, plus léger, avec de nouveaux systèmes de commande). Suite à de nouveaux échecs, le moteur Anzani est abandonné. Les regards se tournent vers le meilleur moteur de l’époque : un Gnome rotatif de 50 hp. Les frères Dufaux parient à pile ou face : ils s’inscrivent au Prix Perrot Duval et dépensent le Prix (qu'ils n’ont pas encore gagné) dans un moteur Gnome. Vaincre ou mourir. Gagner le prix et équilibrer leurs comptes ou tout perdre.
Voici, enfin, le Dufaux N°4, un avion de record !

un avion qui vole, donc, un avion à vendre...

Remporter le Prix Perrot Duval ouvre la voie de la célébrité et de la commercialisation du Dufaux N°4. Désormais, l’avion est présenté dans des meetings d’aviation et se voit proposer avec des moteurs différents, adaptés au budget du client (ENV, Sigma, Oerlikon, Gnome). Mais dans ces années déterminantes de l’aviation en Europe, le Dufaux N°4 va rapidement se faire dépasser techniquement par des concurrents européens, qui disposent de davantage de moyens et, surtout et avant tout, collaborent entre eux. Les Dufaux sont isolés. Ils s’enfoncent dans les mêmes erreurs que les frères Wright : isolement technique, R&D défaillante, affairisme à outrance. Le développement du Dufaux N°4 donne le Dufaux N°5, biplace à moteur Gnome ou Sigma, avec des ailerons standard noyés dans le profil des ailes. Présenté à Issy-les-Moulineaux (photo), haut lieu de l’aviation parisienne, le Dufaux N°5 n’intéresse personne. Le dernier né des frères Dufaux est obsolète.

de l'avion au pigeon...

Le retour de Paris est amer. Tandis que les Dufaux tournent dans leur vase-clos genevois, le monde de l’aviation a pris le large. En 1910, il y a presque 400 (quatre cents !) constructeurs de moteurs et d’avions à Paris. A Genève, il n’y a que les Dufaux. Pendant ce temps, à Avenches, le jeune Ernest Failloubaz hérite de la fortune familiale et achète tour à tour motocyclettes, voitures et avions. Il crée aussi une école de vol et, tant que sa fortune tient, il est adulé et invité partout à se produire dans ses avions. En 1910, les frères Dufaux trouvent la manière de sortir de leurs échecs commerciaux indemnes et vendent à Failloubaz la licence de leurs avions, invendables. Henri et Armand Dufaux abandonnent aussitôt l'industrie de l’aviation, remplumés. En 1913, Failloubaz est ruiné et la saga des avions Dufaux prend fin.

primus inter pares...

Littéralement, des centaines de constructeurs d’aviation d’avant 1914 ont laissé leur fortune, leur réputation et/ou leur vie dans des aventures rocambolesques. La Suisse en produit quelques-unes, mais le seul vestige matériel restant de cette époque est le miraculé Dufaux N°4.
Préservé avec soin par le Musée suisse des transports à Lucerne, c’est là que hepta.aero le trouve, en 2002, suspendu au plafond de la Halle aéronautique, en bonne compagnie, mais orphelin de son histoire.
Primus inter pares, vestige inestimable d’une autre époque et d'une autre technologie, seul succès des constructeurs Henri et Armand, le Dufaux N°4 méritait à nos yeux d'être revisité et remis dans son contexte par un projet hors du commun, à la hauteur de son passé glorieux.

un pilote pour le « fauxdufaux »?

Construire une réplique du Dufaux N°4 en état de vol, voilà en deux mots le projet « le fauX DufauX ».
En 2004, on connaît assez de l’histoire du Dufaux N°4 pour savoir qu’il ne répond pas aux standards modernes de sécurité. Une « copie bit à bit », exacte et précise, n’est pas envisageable.
Un pilote pour le « fauxdufaux » ? Une décision importante s’impose, car les systèmes de commande de vol du Dufaux N°4 ne sont pas standard et le vol avec moteur rotatif est contre-intuitif (en raison de la précession de la masse en rotation).
En août 2004, on pose la question au meilleur pilote disponible pour notre projet, le professeur Claude Nicollier (pilote d’essai, pilote commercial, pilote militaire, astronaute, professeur EPFL…). Mis au courant de nos intentions de lancer dès 2005 le projet « le fauX DufauX », il accepte de devenir le pilote du vol commémoratif.

un moteur lambda...

Ayant décidé que la réplique du Dufaux N°4, (le « fauxdufaux ») serait au standard « traversée du lac » de 1910, trouver un moteur Gnome précis (7N Lambda), qui puisse être démonté et étudié sans être dégradé par notre intervention, devient une priorité. Après avoir prospecté sans succès les musées d’aviation d’Europe, hepta.aero trouve un 7N Lambda… au Musée des transports de Lucerne ! Aussitôt, un travail de bachelor en génie mécanique est engagé à l’EIVD (actuelle heig-vd), notre premier partenaire académique.

« le fauX DufauX »

La saga de notre projet remonte à 2002. Notre association a pris trois ans à constituer la masse critique nécessaire au projet. Bien qu’on y travaille depuis 2004, le projet « le fauX DufauX » est officiellement lancé le 1er décembre 2005, par une présentation au théâtre IMAX du Musée suisse des transports.
Bien que presque centenaire, le Dufaux N°4 reprend le service !

les premiers résultats

Les résultats du premier travail de diplôme sur le moteur Gnome sont livrés par la heig-vd. Les informations seront reprises par des dizaines d’étudiants d’autres centres de formation supérieure, afin de peaufiner les connaissances sur la mécanique très compliquée de ce moteur.